Inconvénients et avantages de la cohabitation
La cohabitation fait l'objet de nombreuses critiques, surtout dans la classe politique. Personne ne semble lui trouver d'avantages ni ceux qui sont dans le camp du chef de l'Etat, ni ceux qui sont dans celui du chef de gouvernement. Les critiques portent sur les lenteurs et les retards que cette situation impose à l'action politique. Il est vrai que la cohabitation est un frein dans la mesure où elle empêche chaque camp de réaliser pleinement ses desseins. Pour le camp du chef de l'Etat, c'est l'évidence comme l'a démontré la situation politique après les élections anticipées de juin 1997 qui ont laissé le Président Chirac dépourvu des moyens de mettre en oeuvre le programme pour lequel il s'était porté candidat. Pour le camp du chef de gouvernement, la situation est moins favorable qu'il ne le semble à première vue car le Président de la République a certains moyens de s'opposer aux projets du Premier ministre et de son gouvernement, notamment si ceux-ci contreviennent aux principes constitutionnels sur lesquels il a l'obligation de veiller (article 5, 1er alinéa, de la Constitution). Le Président Mitterrand le démontra en 1986 lorsqu'il refusa de signer les ordonnances prises par le gouvernement Chirac. Dans le même ordre d'idées, il n'est pas indifférent que le Président de la République ait le pouvoir, en vertu de l'article 61 de la Constitution, de saisir le Conseil constitutionnel de lois qu'il estimerait inconstitutionnelles.
Mais la cohabitation présente aussi certains avantages. Parce qu'elle exclut la concentration de tous les pouvoirs exécutifs entre les mains d'un seul parti politique, la cohabitation est la garantie d'un pouvoir modéré. Ces avantages sont importants dans notre système constitutionnel au regard, d'une part, des attributions considérables du pouvoir exécutif qui jouit aujourd'hui de pouvoirs bien plus importants que sous les Républiques antérieures, et d'autre part, de la disparition de ce pouvoir modérateur qui, autrefois, était entre les mains du Sénat et qui, aujourd'hui, a disparu puisque le Sénat ne peut plus s'opposer durablement à l'Assemblée nationale, sauf en matière de révision constitutionnelle. Dans la mesure où elle empêche les deux titulaires du pouvoir exécutif de concentrer leurs pouvoirs respectifs en une puissance quasi monarchique, dans la mesure où elle freine les ambitions de chacun en les obligeant à observer les limites de leurs champs respectifs de compétences, la cohabitation est une garantie pour les libertés des citoyens.